Billet de retour

Cette fois ça y est, nous connaissons la date de notre départ d'Amérique latine, ainsi que le pays qui nous accueillera après ce continent. Si je peux l'affirmer, c'est que nos billets d'avion sont achetés et que la seule question qui nous reste à résoudre est : où allons-nous trouver des cartons pour emballer nos vélos ? Il serait trop simple de vous donner en bloc la date du vol et le nom des aéroports qui nous verront aussi bien partir qu'arriver. C'est donc l'esprit taquin que je vous offre les réponses à ces deux questions. Petites devinettes…

« Mesdames et Messieurs, veuillez attacher vos ceintures. Nous vous rappelons que ce vol est non fumeur. La température extérieure avoisine le zéro degré et un fort vent est prévu au décollage. »

Départs : la ville qui nous verra nous envoler pour la première partie de notre voyage de retour est une ville mythique mais réputée pour ne pas être très belle. Nicolas lui empruntera son nom pour son émission phare des années 1990 - 2000. La deuxième ville d'où nous décollerons est connue pour ses inépuisables danseurs qui savent mélanger grâce et sensualité à même les pavé. Arrivée : la terre qui nous accueillera après notre long exil hors d'Europe est un pays limitrophe (frontière terrestre) avec une partie de ce vieil empire qui ne voyait jamais le soleil se coucher. Aline parle assez bien sa langue. Je vous le dis franco, je n'y ai jamais mis les pieds. Date : la date, celle d'arrivée, est une date spécialement appréciée des enfants et des journalistes. C'est par contre un jour redouté par les enseignants. C'est en expert que j'en parle et ce n'est pas une farce. 

Voilà, maintenant que vous êtes renseignés, il ne me reste plus qu'à vous prévenir. Entre notre envol d'Amérique latine et le grand nettoyage de nos vélos, nous comptons encore rouler un peu. Alors, que les impatients s'arment encore d'un peu de courage et que les amateurs de road-trip sortent les agendas. 

« Mesdames et Messieurs, c'est le commandant de bord qui vous parle. Suite à un petit problème technique, nous avons dû changer de cap. Nous arriverons sur sol africain aux alentours de 17h30, heure locale. La température au sol est de trente-deux degrés et nous... ». OF. 25.12.13

De Salta à Mendoza

Voilà vingt-deux jours que nous avons quitté Salta. Malgré les quelques 1’200 km. parcourus, il m’est difficile de prendre la plume, car en toute honnêteté, je ne sais que trop raconter. Je pourrais vous parler de la route mais cela se résumerait en deux mots : plate et rectiligne. Alors le décor ? Vignes et savane asséchée. Et la gastronomie ! Rien d’exotique. Les habits ? L’architecture ? Les coutumes ? Je cherche l’essence même de ce pays, son identité, son histoire, ses racines, ses spécificités... mais en vain. Serait-ce nous qui nous sommes tant habitués aux différences ? Hier, un Argentin m’a posé cette question : « De quoi te souviendras-tu de mon pays ? » Silence. Je ne sais que répondre. Pour ne pas embarrasser notre hôte, je trouve la seule réponse qui me paraît honnête : les rencontres. Rencontres bonnes et mauvaises. 

Inutile de revenir sur notre agression, si ce n’est sur la générosité de la municipalité de Moldes qui nous a offert une nouvelle tente. Quelques jours après ces événements, nous faisons la connaissance de Jason et Thérèse, un couple franco-suédois également à vélo. Durant onze jours nous roulons ensemble et partageons un bout de voyage. A quatre, la route paraît un peu moins plate, un peu moins monotone et le vent de face un peu moins fort. A Santa Maria, nous rencontrons Baudilio et sa famille et découvrons l’art du maté argentin : une petite calebasse commune où l’hôte verse de l’eau bouillante sur des herbes séchées. Breuvage que l’on boit avec une paille métallique. La tasse passe de main en main, la paille de bouche en bouche, la bonne humeur de coeur en coeur. 

Jason est cuisinier, Thérèse a été chocolatière... autant dire que la nourriture est au coeur de notre quotidien. Tant et si bien qu’elle nous cloue deux jours durant à Sañogasta : voilà les hommes au lit avec une intoxication alimentaire carabinée, après un magnifique barbecue. Les femmes s’affairent : dénicher une petite maison de campagne plus confortable que le camping bondé, préparer du thé, cuire le riz, enlever les bulles du coca, masser les muscles endoloris, cuisiner les abricots du jardin attenant...

La chaleur nous a rattrapés et la seule solution pour y faire face est de s'y adapter. Nous nous levons avant 6 heures et nous nous accordons une pause aux heures chaudes. Par contre, difficile de s'adapter au vent de face omniprésent. Nous fêtons nos vingt mois de voyage en tête à tête, autour d'une « fondue chinoise sur réchaud ». Le temps d'une nuit, nous sommes les heureux propriétaires d'une petite villa au sein du camping des officiers de la police de Rawson, près de San Juan. 

A Mendoza, le hasard place Hector sur notre route. Lui, sa femme et ses deux filles nous ouvrent grand leur porte, nous hébergent deux nuits et nous immergent dans le quotidien d'une famille argentine. Dans cette ville-carrefour, nous retrouvons également une autre famille, celle des cyclo-voyageurs. Pareils à des amis de longue date, nous nous retrouvons avec plaisir et enthousiasme. Mendoza, c'est aussi le lieu du doute : allons-nous continuer sur la route nationale 40 en Argentine ou traverser une fois encore la cordillère et rejoindre le Chili ?   AG 09.12.13

Jason, Baudilio, Olivier, Therese, Estella et Lucida

Infos pratiques Bolivie

Eau: Pas de règle précise pour l'altiplano. Nous avons demandé au cas par cas. Si dans les villes, la qualité de l'eau a tendance à s'améliorer, il vaut tout de même mieux la faire bouillir. Dans la pampa, la question est complexe. Si l'eau qui coule le long du plateau est impropre à la consommation (pollution chimique, bétail, ...), celle des régions plus montagneuses peut en général être considérée comme consommable sans traitement. C'est tout du moins la logique que l'on a suivi et nous n'avons rencontré aucun problème sanitaire.

Nourriture: La nourriture est bon marché en Bolivie. Le plat du jour servi dans la rue ou dans les petits restaurants locaux coûte entre 1 à 2 dollars  et est généralement bien servi. Dans l'altiplano, il n'est pas difficile de trouver de petites échoppes le long des axes principaux. Par contre, elles vendent toutes les mêmes produits. Plus vous quittez les grands axes, plus il est compliqué de se procurer de la nourriture. Surtout des denrées périssables. Certaines échoppes ne voudront pas vous vendre leurs légumes ou œufs, sous prétexte qu'elles les gardent pour leur partie restaurant. En insistant un peu, vous les obtiendrez tout de même. Lors de vos achats, faites bien attention à l'addition. On a pu constater qu'il y avait régulièrement des erreurs dans l'addition des marchandises, tout comme au niveau de l'argent que l'on nous rendait. Si vous vous aventurez sur les pistes de Bolivie, renseignez vous sur la possibilité de vous ravitailler le long du chemin. Si l'on trouve de l'eau au minimum tout les 2-3 jours, il est possible de ne pas trouver de nourriture durant plus d'une semaine de vélo.

Police: Police ou militaire? Difficile de toujours faire la différence. D'une façon générale vous n'aurez pas à côtoyer la police locale. Par contre, il est fort probable qu'en empruntant les pistes qui longent la frontière bolivio-chilienne, vous traverserez des check-post tenus par des militaires. Ces derniers ont tendance à vouloir faire payer des droits de passage ou permis de visite aux cyclos. C'est totalement bidon et illégal. A vous de trouver la meilleure stratégie pour passer sans payer. Mais pas trop d'inquiétude, ils ne sont généralement pas trop insistants et souvent très jeunes.

Camping sauvage: L'altiplano est une grande aire de camping sauvage. Donc pas de souci de ce côté. De plus, les Andins sont assez ouverts à voir des cyclos camper sur leurs terres. Côté sécurité, notre expérience nous fait dire que camper en pleine pampa est sûr. Bon, il ne faudrait peut-être pas planter votre tente proche de El Alto, mais une fois de plus cela reste une question de bon sens.

Visa et douanes: Pour entrer en Bolivie, seul un passeport en règle vous est demandé. Le nombre de jours que vous pouvez obtenir dépend de la douane d'entrée et de votre situation. Le visa touristique vous offre 90 jours par an et pas un de plus. Toutes les démarches d'entrée et de sortie sont gratuites, même à la douane du parc national du Sud-Lipez (direction San Pedro d'Atacama / Chili) où ils ont l’habitude de demander 21 bolivianos aux étrangers. Lors de nos différentes entrées, nous avons obtenu:
- Douane de Pisiga (proche du salar de Coipassa) 90 jours.
- Douane de Tapena (sud du lac Titicaca) 30 jours. Ceci bien que nous avions un solde de 60 jours le matin en quittant la Bolivie à la frontière proche de Copacabana.
- Prolongation (gratuite) de 30 jours à La Paz au bureau de l'émigration. Pour cette démarche, il nous a fallu une copie de notre passeport, un dernier tampon d'entrée en Bolivie et 5 minutes. Apparemment, il y a une photocopieuse sur place, qu'une Allemande utilisait pour sa propre prolongation (prix?). Tout comme au Pérou, à chaque entrée, vous recevez un coupon qu'il faut rendre à la sortie. A ne pas perdre sous risque d'amende.

Sortir des sentiers battus: Il serait dommage de traverser la Bolivie sans emprunter les pistes du pays. S'il est vrai qu'elles sont souvent des plus éprouvantes, elles offrent également des paysage des plus magnifiques. Passablement de topos traînent sur le net, rendant la recherche de point d'eau et de nourriture plus facile. On peut lire passablement de bêtises sur l'accessibilité de ces pistes. Le mieux est de faire une moyenne de tout ce qu'on peut lire. Attention tout de même à la fraîcheur des nuits. Entre 0 et moins 10 degrés au mois de novembre. L'entrée au célèbre parc national du sud Lipez coûte 150 Bolivianos (prix officiel pour les non-Bolivien). Avec ce ticket, vous obtenez un droit de visite de quatre jours (jour d'achat compris).

Pensées de voyage

« Certaines nuits, j'aurais aimé pouvoir croire en un dieu protecteur. » Olivier 

Infos pratiques Pérou

Pour n'avoir vécu qu'une infime expérience dans ce pays, nous n'aborderons que le passage des frontières dans cette info pratique.

Frontière: Notre arrivée au Pérou s'est faite à la frontière de Yunguyo, proche de Copacabana (Bolivie). Cette ville se situe sur la rive ouest du lac Titicac sur la land de terre qui "divise" le lac en deux parties. Là, les démarches sont excessivement simples et gratuites. Nous nous sommes présentés à l'office des douanes munis de nos passeports et avons dû remplir le petit formulaire d'usage. Ceci fait, nous avons obtenu notre tampon d'entrée avec 60 jours de droit de visite. Lors du retour des passeports, on nous a remis un petit coupon (vert) qu'il faut garder jusqu'à la sortie du pays. En cas de perte, une sanction financière est appliquée. La sortie du pays a été effectuée à la douane de Desaguadero. Là encore, les démarches ne prennent que quelques minutes. Se rendre à l'office des douanes muni de votre passeport et du coupon vert et le tour est joué. Les démarches de sortie sont également gratuites.

Du soleil plein les mirettes



A la suite de notre mésaventure, vous avez été nombreux à nous faire part de votre soutien et de votre amitié. Les mots nous manquent pour vous dire merci, comme nous le souhaiterions vraiment. Si nous avons eu le sentiment d'être profondément seuls, un court instant, aujourd'hui nous savons plus que jamais que la distance ne nous a pas effacés de vos cœurs. Ce sentiment nous a donné la chaleur qui nous manquait et nous en avons même gardé un peu dans nos sacoches. Si les nuages ont obscurci notre voyage le temps d'une matinée, notre envie de découvertes et de rencontres n’a heureusement subi aucun dommage. Nous sommes deux et c'est là notre plus grande force. Ça, nous le savons, tout comme nous savons aussi que voyager engendre certains risques. Des risques qui peuvent parfois devenir des dangers et ces dangers se transformer en problèmes. Mais ne gâchons pas notre merveilleux soleil d'aujourd'hui par la noirceur d'hier. Réjouissons-nous de ces sourires qui nous accueillent à l'entrée des villages, de ces stands de fruits qui nous ont tant manqué ces dernières semaines. Roulons le cœur léger et soucions-nous seulement du « comment faire cuire notre pizza maison de ce soir » et du « où trouver du pain frais pour notre fondue de demain ». Notre histoire continue ! Et c'est forts d'une « expérience » supplémentaire que nous attaquons les routes d'Argentine et du Chili. La Patagonie n'a qu'à bien se tenir... Nous arrivons !!!  OF 28.11.2013


La raison ou la peur?



Six heures du matin. Le ciel est orangé et la proximité d'un lac nous offre encore un peu de fraîcheur. C'est l'office du tourisme de la ville voisine qui nous a recommandé ce petit bout de paradis. Il ne s'était pas trompé ; hier encore, l'endroit regorgeait d'amoureux du barbecue et l’ambiance y était familiale. Six heures du matin et cet Éden devient pour nous un véritable enfer. La quiétude matinale est soudain brisée par des vociférations. Deux ombres se jettent sur nos vélos dans le but de nous les ravir. Je sors. Peu surpris par un tel agissement, je me retrouve face à deux jeunes hommes qui me font face. Leur état m'interpelle, me laissant croire, dans un premier temps, à une déficience mentale. Je reste calme. Il faut désamorcer cette situation avant qu'elle ne dégénère. Aveuglé par la surprise, je ne remarque pas qu'elle est déjà hors de mon contrôle. Ils enlèvent leurs T-shirts, font les gros bras, m'insultent. Désamorcer cette situation, il le faut. Ils hurlent en espagnol, menacent de me tuer, me jettent du sable au visage, me donnent des coups. Désamorcer la situation. Le plus jeune d'entre eux se colle à moi, hurle des phrases que je ne comprends pas à l'exception du mot « imbécile ». J'ai la bouche et les cheveux remplis de sable, les yeux me piquent. Je craque. En une fraction de seconde, mon genou s'encastre dans le ventre de ce dernier. Il tombe mais se relève comme si je n'avais qu'effleuré sa chair... Incompréhension. La violence de mon coup aurait dû me donner quelques secondes de répit. Drogués jusqu'à la moelle, ils ne ressentent plus la douleur. C'en est trop, jamais l'on ne m'a appris à gérer une telle situation... Incapable de m'aider, mon cerveau se déconnecte. Seule sa partie reptilienne fonctionne encore. Je ne réfléchis plus, j'agis. Aline me racontera plus tard qu'un échange de coups a eu lieu, que je me suis retrouvé au sol avec deux individus tentant de m'étrangler, de me tuer. Bien qu'écrasé par plus de 120 kilos, je me relève, je les soulève pour me libérer, pour respirer à nouveau. La situation se complique. Un troisième acolyte fait son apparition. Plus fourbe que les autres, il restera un peu au loin et lancera une grosse pierre sur la tente. Aline est à l'intérieur. Une seule chose m'importe : nous sauver, la sauver. Je peux assumer encore bien des coups et j'essaie d'offrir un peu de temps à Aline qui tente de rassembler nos affaires. Nos décisions ne sont plus rationnelles mais la situation est hors des normes que nous connaissons. Occupé par l'un d'eux, je ne vois pas la lâcheté qui opère. C'est au bruit des pleurs d'Aline que je constate l'évidence. Sortie de l’habitacle de justesse, elle regarde notre tente se faire consumer par les flammes. Conscients qu'à mains nues, ils ne pourront affronter ma colère, ils se munissent de pierres. Lapidation ! Impossible de faire face. Chacun de ces projectiles pourrait être synonyme de « fin du Voyage ». Je recule. Il nous faut de l'aide ou simplement trouver un refuge. Je quitte le campement, ordonnant à Aline de me suivre. Cent mètres plus loin, je constate que je suis seul. Retourner en arrière ou avancer jusqu'à ce groupe de badauds. S'engouffrer dans une impasse à la sortie incertaine ou demander de l'aide. Tout en leur demandant d’appeler la police, mon attention se fige sur un objet. Le monde qui m'entoure devient comme flou, les sons deviennent sourds. Seule une barre métallique, appuyée contre un barbecue, me semble nette. « S'ils ont touché à Aline, t'auras de quoi régler la situation », me dit une petite voix. Un je ne sais trop quoi me retient. Pourquoi ? Je retourne au campement. Une nouvelle grêle de pierres m'accueille. Je sais que je ne serai bientôt plus seul et mon espoir se ressent. Ils comprennent la nouvelle situation et déguerpissent dans les fourrés. Aline est en pleurs. S'ils n'ont osé la frapper, ils ont eu par contre des gestes lâches et déplacés.

Après les formalités au poste de police et trois arrestations musclées, nous nous retrouvons dans une chambre mise à disposition par la municipalité. Une nouvelle tente nous a également été promise pour le lendemain. Là, c'est le corps qui se réveille. Un simple toussotement et c'est mon être tout entier qui se tord de douleur. Ce que ma tête a volontairement oublié, mon corps lui s'en souvient. Mon passage à l'hôpital m'a permis de panser mes plaies mais mon bras droit refuse de se plier. Si j'accuse les coups reçus, ceux donnés me font également souffrir. Que s'est-t-il réellement passé ? Le saurai-je un jour ?

Voilà 48 heures que ce cauchemar s'est terminé. Mon corps va mieux et Aline a retrouvé le sourire. Mais, je ne cesse d'y penser. Aurais-je dû plus rapidement laisser mon corps s'exprimer ? Ou la voie de la non-violence, même dans l'échec, reste-t-elle la bonne solution ? De plus, cette question me ronge : qu'est-ce qui m'a empêché de m'exprimer plus intensément par la force. La raison ou la peur?
  OF 21.11.2013


Paso Sico

Préparation du déjeuner

Sur la route du col

Ancienne mine de fer d'El Laco

Tempête de sable à l'horizon

Retour de l'herbe

Ce n'est pas la taille qui compte, mais la profondeur!

Six cyclos suisses romands et un espagnol

Merveilleuse descente



Le vent souffle et siffle à nos oreilles. Pas de doute, nous sommes bien en haut d'un col. Paso Abra Blanca, 4080 mètres d’altitude indique le panneau bardé d'autocollants en tous genres. Ce col est comme tant d'autres : désert, sec et venteux. Mais ce dernier ne nous laisse pas indifférents. Il marque pour nous la fin de la cordillère, de cet altiplano qui nous a joué bien des tours, rendant ses paysages encore plus beaux par la difficulté de leur accès. L'allié qui nous aidait encore hier a retourné sa veste. Ami infidèle, aurait dû l'appeler les Hommes. Satané vent ! Tu transformes ce délicieux rêve, cette merveilleuse descente en un nouvel effort. 2880 mètres de dénivelé négatif sur un peu moins de 130 km. Une série de descentes, de faux-plats-descentes et de plats, qui auraient dû se consommer sans modération. Tu parles, on pédale en descente pour atteindre un médiocre 17 km/h. Cela nous donne plus de temps pour admirer le paysage ! Nous quittons donc les hauteurs vers les 15h30, après une bonne tasse de thé chaud et notre ultime bout de chocolat. Il fait froid. Aline est équipée comme pour attaquer le Pôle Sud. Et mon envie de me lancer dans cette folle descente est gigantesque. Rapidement, la pampa nous fait ses adieux. Finis les vigognes sauvages, les troupeaux de lamas et d'alpagas. Bonjour les moutons, les ânes, les vaches, les chevaux et les moucherons. La première végétation digne de ce nom que l'on retrouve, est le cactus. D'immenses spécimens, à la « western spaghetti ». Il ne manque plus que la musique d'Ennio Morricone pour oublier que c'est en Argentine que nous roulons. Ces cylindres aux piquants acérés nous accompagneront tout au long de la descente, cédant de temps à autre un peu de place à une végétation plus verdoyante. Tout d'abord de l'herbe, puis des arbres. On s'arrête. Une véritable explosion de beauté. Après l'image vient le son. Le gazouillis des oiseaux nous comble de bonheur. On ne sait trop quand on l’a entendu pour la dernière fois. Chante petit être ! Réchauffe-nous le coeur, on en a bien besoin. Plus nous descendons, plus elle monte. C'est naturellement de la chaleur dont je vous parle. Si hier encore, c'est le soleil que l'on attendait, aujourd'hui, c'est l'ombre qui nous fait de l'oeil. Au fil des kilomètres, c'est également la civilisation qui reprend ses droits. Une route asphaltée, des panneaux de signalisation routière, des panneaux qui informent qu'il ne faut pas détruire les panneaux de signalisation routière ! Les villages se repeuplent et le rire des enfants se fait entendre à nouveau. Là où il y a des hommes, il y a des clôtures. Nous savons qu'en plaine, il sera plus difficile de trouver des places de bivouac. Voilà déjà quatre jours que nous roulons en Argentine, quatre jours que nous nous questionnons sur ce que sera cette aventure au pays du soleil. Quatre jours que nous cherchons à savoir quelle heure il est réellement dans ce dernier pays d'Amérique latine. OF 12.11.13